_DSC8411.jpg

J'ai longuement parlé avec Harry Wylde, indien de la nation des Algonquins. Il s'est installé à Mashteuiatsh il y a déjà longtemps. Il dit que c'est le tambour qui l'a amené là. ll vit dans une maison sur la rue Mahikan avec sa femme et leurs trois jeunes petits enfants qu'ils ont en garde.

Harry peint des ciels d'un bleu profond éclairés d'étoiles et de songes. Ses visages d'autochtones ont des profils fiers, des regards incandescents. 3 silhouettes respirent au fond d'une tente de sudation où les pierre ont des visages, un canoë s'envole portant celui que ses parents n'ont jamais voulu, une légende... De ses rêves Harry fait naître des tableaux. Tous véhiculent la spiritualité autochtone qui selon lui est la seule voie de survie.

Le tambour, teuehikan en langue Ilnue signifie littéralement battement de coeur. Harry a appris à l'aimer, à le jouer, à le fabriquer. Il a été initié par un ami et a parcouru avec cinq autres joueurs tous les pow wow du Québec et sûrement du Canada. Le tambour est immense et livre à la terre mère d'énormes vibrations qui hypnotisent accompagnés des chants-prières de ceux qui le battent. C'est magnifique et envoûtant. Le tambour doit toujours voyager, personne ne doit le garder enfermé loin de l'assemblée des hommes. Il doit servir à chanter la vie et accompagner les danseurs.

Harry évoque aussi son enfance brisée par 3 longues années au pensionnat dans la section des jeunes enfants. Sur une fratrie de dix seuls les deux derniers y ont échappé. Une soeur y a séjourné 15 ans, un autre frère 8 ans.

Au pensionnat il est devenu le numéro 70. On l'appelait 70. Sur tous ses vêtements était inscrit 70. Personne durant ces longs mois d'enfermement ne prononçait son prénom car personne ne le connaissait. Interdiction formelle de se nommer et interdiction formelle de parler sa langue .

S'oublier, s'effacer, ne plus exister. Harry parle de brimades, de sévices, d'humiliation. Les enfants des pensionnats endossaient l'histoire terrible, véhiculée par les pères et mères de la Sainte Eglise Catholique, des diables peau rouge sanguinaires à exterminer.

Au mois de mai, Harry passe en conciliation pour réparation. Le gouvernement canadien indemnise les victimes. Il me confie qu'ensuite il se rendra sur les lieux de si triste mémoire pour ensevelir un bout de papier marqué du numéro 70, au milieu des décombres du pensionnat en ruines.