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Ce matin je suis repassée chez Raymond Valin que j'avais rencontré la semaine dernière et qui m'avait dit "tu peux venir me voir, j'aimerais ça jazer avec toi". Sur le gros frigo de sa cuisine il a installé ma carte postale représentant une vue de la rue Ouiatchouan au lever du soleil en automne.

Comme il s'apprête à partir pour le bureau de poste, je lui propose de l'accompagner. La journée s'annonce encore bien belle et presque chaude pour un mois de mars avec un vent venant du nord m'indique-t-il.

Raymond est un cousin de Thomas Siméon le sculpteur. Il est aussi le cousin de Madame Huguette chez qui j'étais vendredi soir pour jouer au bingo. En chemin, Raymond me montre telle place où était la maison de sa grand-mère, telle autre où le père de Thomas avait son atelier, il travaillait le bois. Il est mort depuis déjà longtemps mais son nom reste inscrit sur un petit bâtiment en retrait de la route. On a l'impression qu'il est toujours là. Un peu plus loin, une maison défraîchie, Raymond y a habité jusqu'à l'âge de 15 ans. Je le photographie devant.

Il parle du bois, de la chasse, de la pêche, des campements d'indiens qui pour l'été s'installaient au bord du lac et qui ensuite reprenaient leur canoë pour remonter la rivière Peribonka, la rivière Mistassini. Il me dit "ils prenaient chacun leur rivière, partageaient leur bagage lorsque il y avait des rapides".

Le local de la poste est sur le côté de l'immense bâtisse délabrée du comptoir de la cie de la Baie d'Hudson qui a eu son heure de gloire. On y trouvait tous les articles nécessaire à la trappe, la chasse, la pêche. Toutes les familles qui restaient dans le territoire une grande partie de l'année descendaient là pour se ravitailler et c'était pour Raymond un spectacle extraordinaire des les voir débarquer là avec leurs chiens.

A 17 ans il a commencé à faire guide de chasse et de pêche pour les américains qui venaient en masse pour traquer le castor, la loutre, la marte et attraper le saumon sauvage. Au comptoir de la baie d'Hudson il faisait son crédit pour acheter ses bottes et tout son matériel. A ce moment là sa mère lui a dit qu'il devenait responsable de sa personne. "Quand on fait une vie de bois c'est de l'ouvrage, t'embarque pas dans une auto, il faut que tu marches, que tu palettes pour monter la rivière. Tu travailles dur. Si tu veux manger il faut tuer le lièvre, le castor, l'orignal, avant ça ma mère tuait du caribou et même du wapiti qui a disparu depuis longtemps".