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Hier après-midi G-Rock Dominic est passé me voir à l'Auberge. C'est un ami sur facebook et je ne l'avais jamais rencontré. Lorsqu'il avait su que je venais à Mashteuiatsh, il m'a demandé d'amèner mon tarot pour que je lui dise l'avenir. Cela m'a paru étrange, comment pouvait-il bien savoir que je m'intéresse aux cartes ? Avec Facebook on ne se cache plus, c'est la règle du jeu.

G-Rock a 43 ans et ces premiers mots se perdent déjà dans le bois. Et il m'entraîne dans sa vie en territoire avec la famille , dans sa passion pour la trappe et la chasse. A l'âge de 6 ans il a commencé une vie de chasseur en trappant son premier castor. Actuellement il travaille pour une entreprise sur les terres fédérales, ils surveillent les arbres et la forêt.

Il parle aussi de la discrimination dont il est victime et du racisme. Il s'y est habitué. C'est quelque chose de très fort ici au Québec. Les autochtones sont considérés comme des assistés, des moins que rien qui volent le travail des blancs. Il exprime ce rejet avec une immense tristesse dans sa voix et pourtant dit-il "nous, les autochtones sommes ici chez nous, c'est notre terre". G-Rock en revient à la chasse et à ses règlements qui sont différents pour les amérindiens et pour les Canadiens. Ils sont pour lui très restrictifs. La liberté des anciens qui pouvaient aller partout en territoire, où les notions de propriété et de limite n'existaient pas, s'est effacée à jamais. Les droits ancestraux qui pourtant existent ne sont pas respectés.

En écrivant ces mots je me rend compte qu'un autochtone n'est pas un canadien, qu'un autochtone n'est pas un Québécois. Il fut mis à part et parqué dans une réserve. Les indiens réclament toujours leur autonomie totale et sont les premiers à refuser toute assimilation, toute intégration. Les ententes avec les gouvernements Fédéral et provincial traînent depuis 35 ans et vont d'impasse en impasse. Plus je m'informe, plus je parle avec les gens ici plus je trouve la situation compliquée et inextricable. Le chef Dominique disait l'autre jour, lors d'une réunion, que les discussions sont bloquées avec le premier ministre Canadien . Avec le Gouvernement du Québec, il y aurait une petite ouverture concernant la chasse à l'orignal.

G-Rock regrette que la vie en territoire et les traditions des anciens se perdent alors qu'elles sont indispensables à la bonne évolution de la communauté. Le sujet revient une fois de plus sur le fléau de la consommation d'alcool et de drogues ici. C'est une situation terrible auquel s'ajoute la pratique courante du suicide notamment chez les jeunes.

Pour mon ami, les indiens sont enchaînés et ses chaînes se transmettent de génération en génération. Les grand-parents sont tombés, les parents sont tombés et les enfants tombent. Ils commencent à consommer très jeunes. Ils n'ont que ce modèle et aucun choix. Il insiste "il faut briser les chaînes au bon endroit".

Un groupe de travail s'est formé à Mashteuitatsh pour réfléchir à la mise en place d'un référendum : interdire la vente d'alcool sur la réserve. Je pense que cela n'empêchera pas la consommation, nous sommes juste à dix minutes du supermarché . A l'époque de la prohibition pas si lointaine, combien de gens pris de boisson se sont fait écraser par le train alors qu'ils s'en revenaient de Roberval par la voie ferrée ? Enormément. Il faut la voir la voie ferré de Papa Ottawa (propriété du fédéral) qui coupe Mashteuitash en deux et passe au raz des maisons le long du village.

La voix de G-Rock me ramène au bord du ruisseau au fond du bois, il me fait écouter son chant clair, il me dit que c'est la source de sa spiritualité.