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Hier le vent était glacial et la température a brutalement chutée, -15 degré pour le premier jour du printemps milushkamu. Je suis remontée à pied jusqu'au vieux bâtiment délabré de la Baie d'Hudson pour faire quelques photographies, j'avais les doigts transpercés de froid. Je me disais, en me cachant dans mon bonnet, c'est pas un temps à mettre un français dehors !

Je réfléchie pas mal aux images que je mettrai à l'Artothèque de Pessac pour mon exposition. De grands tirages presque vides : la rue Ouiatchouan qui ne finit jamais, le monument à la Vierge immaculée, l'église peut-être, le pensionnat transformé en collège, les tipis de pierre, le comptoir de la Baie d'Hudson. Et les visages.., figures parfois très lisses...une série de regards qui gardent des secrets, des souffrances et aussi des rêves.

L'art de la rencontre est extrêmement difficile à mettre en oeuvre ici. Qu'est ce que je prend et qu'est ce que je donne ? On m'a dit que j'étais une voleuse d'âmes, que la photographie volait les âmes. Je rentre en relation avec l'autre, il me parle, je l'enregistre, je le photographie et j'écris aussi sur la rencontre. Je me laisse emporter par le souvenir des mots qu'on m'a confiés et peut-être que par la retranscription je viole un peu l'intimité que l'on m'offre si généreusement.

Aujourd'hui je doute et c'est difficile. Je pleure. Je porte en moi quelque chose de toutes les personnes que j'ai rencontrées, photographiées et aimées. Tous ces visages qui m'ont beaucoup donnés ici à Mashteuiatsh et à Bordeaux, à la Résidence Saint-Jean, aux Aubiers, à Bacalan.

Un homme m'a dit que lorsque un grand-père ou une grand-mère raconte une histoire, il faut l'écouter et ne jamais poser de question. L'homme blanc pose trop de questions. Il faut savoir attendre et les choses te sont données. Il faut savoir marcher doucement sur la terre, un pas après l'autre, ne pas creuser. C'est le respect.