Johann Buckell

J'aime poser cette question aux gens de Mashteuiatsh "cela signifie quoi d'être autochtone aujourd'hui ? ". Le chef Gilbert Dominique que j'ai vu il y a une coupe de jours (je commence à parler québécois) m'a dit c'est relever un défi, c'est affirmer la fierté d'appartenir à une nation...Oui être membre d'une première nation et vouloir son autonomie c'est se sentir assez fort pour déplacer des montagnes. Lorsqu'on a été "réservés" sur un territoire, mis de côté, infantilisés, assistés pendant des siècles il me semble qu'il faut une énergie colossale pour sortir de la spirale infernale de la dépendance et de la dépression.

Johann Buckell, femme autochtone de Mashteuiatsh est attachée à sa famille, à sa terre et au lac. Elle a beaucoup voyagé, travaillé à Montréal et est revenue là avec ses enfants. Son arrière arrière grand-père était allemand et s'est marié avec une montagnaise. Elle pose sur moi un regard de défi quand je lui dit qu'ici à Mastheuiatsh il me semble qu'il n'y a pas que des autochtones. Alors justement reviens sur le tapis cette question "c'est quoi être autochtone ? ". Elle est Ilnue ce qui signifie "être humain" en langue montagnaise. Elle me dit que durant son enfance certains se moquaient de sa peau blanche. A l'âge de 9 ans elle est allée au pensionnat des Oblats et a enduré brimades et sévices mais pour elle chacun doit trouver en lui la force de se sortir de la victimisation. Il faut reconnaître sa souffrance mais se battre pour la transformer. Les blessures restent à vie sur le corps mais ceux qui ont commis le pire ne peuvent rien nous enlever de notre dignité et de notre aspiration à la vie et au bonheur. Elle ne voudrait plus jamais entendre "on ne s'en sortira jamais". ll ne faut jamais laisser les autres avoir du pouvoir sur soi.