Parler des heures et même un jour entier avec Thomas, Gilbert, Michel, Jean-René... de ce que c'est d'être autochtone aujourd'hui, entendre leurs histoires de bois, de rivières, d'ours, de trappe, de chasse, écouter et voir leurs mains qui ont sculpté la pierre à s'épuiser, qui travaillent le bois, tressent les ligaments d'orignal pour les raquettes, enfilent des perles pour survivre... Les évocations d'un autre temps hantent les mots, grand-père et grand-mère ne sont jamais loin. Peut-être qu'il faut s'y accrocher pour ne pas se perdre.

Il y a la tente prospecteur au fond de la forêt, le chien devant l'entrée qui reste toujours à sa place de chien, le sol jonché de branches de sapins, le poêle à bois brûlant, le gibier tué qu'il faut dépecer, les peaux qu'il faut tanner . Thomas est monté lui aussi dans le bois durant 35 ans avec femme et enfants, comme ses ancêtres avant lui. C'est par le territoire que les gestes de survie répétés s'apprennent depuis des millénaires. L'homme s'est forgé à la survie en communion totale avec la nature pour être simplement vivant et exister . Voilà d'où est née l'Ilnu... J'écoute Thomas et je voyage dans sa mémoire.

Mais aujourd'hui les tentes au fond du bois ont été remplacées par des chalets avec four à micro ondes et écran plasma. Les centres touristiques affichent l'indianité. L'indien de pacotille est à la mode et les européens adorent jouer aux indiens. A Mashteuiatsh, comme dans d'autres réserves je suppose, il y a les boutiques, le folklore et les discours creux très convenus.

Ici je suis "la touriste française". Je regarde les femmes danser en caressant le sol de leur pas, je regarde Gérald tisser des capteurs de rêve en parlant du tambour, je regarde Thérèse saluer la Lune quand elle est pleine, je regarde Diane qui porte fièrement son régalia.

Je regarde et j'écoute à m'y perdre. Je ne fais pas beaucoup de photos.