Réserve humaine - Un projet d'Isabelle Kraiser

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21 sept. 2009

Je repars bientôt

Dans une semaine je serai arrivée à Mashteuiatsh. Je repars seule. Vendredi, j'ai rencontré la classe de BEP comptabilité du lycée des Menuts qui suivra l'atelier pour l'année scolaire avec leur professeur d'Art appliqué Gilles Pascal Nous avons évoqué l'histoire de la colonisation, l'arrivée des européens, le parquage forcé des indiens dans les réserves Je leur ai demandé de se documenter sur l'histoire du Canada et de la colonisation et pour que tout ça ne leur semble pas trop rébarbatif je leur ai aussi indiqué des liens de vidéos réalisés par des jeunes dans le cadre de la Wapikoni mobile à regarder sur Youtube... Les jeunes autochtones aussi aiment le rap, le hip hop, font de la musique comme tous les jeunes sur la planète.. il y a beaucoup de points communs, des liens à tisser entre jeunes et enfants de Mashteuiatsh et de Bordeaux...

20 juil. 2009

Uashat, le roman de Gérard Bouchard

Je viens de terminer le livre de Gérard Bouchard "Uashat". C'est Iphigénie qui m'avait conseillé de le lire. Elle venait de le commencer quand on s'est rencontré. Florent, jeune étudiant en sociologie part dans la réserve de Uashat pour mener une étude. Il est naïf et assez démuni et débarque dans un monde totalement inconnu même s'il n'est pas très loin de chez lui. Il habite la basse côte de Québec, un quartier pauvre. On est en 1954, c'est l'époque de la pleine expansion économique des villes de blancs.On a besoin de place et la réserve est un handicap pour s'étendre, fructifier, bâtir une vraie métropole économique. Il y a dans les pages de ce roman beaucoup de tendresse pour le peuple indien et c'est terriblement triste aussi d'assister à travers les yeux du narrateur à la fin de leur grande et noble destin. Il y a Grand-Père qui joue du tambour et livre des incantations à la lune, Pietachu le chasseur si fort qu'il en devient un Dieu de la forêt, Sarah l'amour de Florent tombée dans l'alcool et la déchéance qui ne peut même pas s'accrocher à la main qu'il lui tend... C'est un journal au fil des mois, d'Avril à Octobre et qui parle d'un peuple qui a perdu son passé (ses territoires, ses coutumes), survit près d'une décharge d'immondices et ne peut pas relever la tête puisqu'il n'a pas d'avenir...La captation des territoires a été le pire pour les indiens innus, les privant de la chasse, de la pêche et de leur raison de vivre nomade. 2009, où en est le peuple des premières nations aujourd'hui ? je pense qu'il relève la tête pour dessiner un avenir qu'il ne voit pas encore ... je fais un lien avec un article que j'ai lu dans le journal le Monde récemment. Il était question d'une rivière énorme et majestueuse des territoires du nord. Hydro Québec veut la détourner, faire un barrage pour produire plus et plus encore d'électricité. Si cela se fait ce sera un désastre écologique. Toute la faune, la flore, les écosystèmes seront détruits. Certains autochtones se battent contre ce projet et ont voulu porter plainte... mais Hydro Québec a réussi a signé des accords avec certaines communautés. Diviser pour mieux régner ! Pour en revenir à Florent, mon personnage de roman, je me suis sentie assez proche de lui quand j'ai débarqué à Mashteuiatsh...Il a dû attendre des jours et des jours que le le chef Bellefleur revienne avant de pouvoir commencer son étude auprès des familles de la réserve.

17 juil. 2009

Là où il y a une pointe

Mashteuiatsh signifie en Montagnais "là où il y a une pointe"... J'ai reçu un courriel d'Iphygénie ce matin, elle travaille avec la Wapikoni mobile dans la réserve de Manawan "Là où se trouve les oeufs". j'aime énormément les noms indiens, les noms de lieux, de personnes ... toujours en lien avec la nature, la faune, la flore.

4 juil. 2009

Jeudi 25 juin 2009. Québec-Montréal

Nous prenons le chemin du Roy pour aller de Québec à Montréal le long du fleuve Saint-Laurent. C’est magnifique. Berthier est un guide hors pair. Nous arrêtons notre « char » dans deux beaux villages empreints encore de l’histoire des premiers colons. C’est la terre de la nouvelle France.
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routeduroy2.jpg Pour notre dernière soirée, nous soupons de saumon et de homards, un délice arrosé copieusement de vins blancs. Il y a même la pose trou normand avec un bon vieil alcool de Mirabelle d’Alsace. Je suis un peu « chaude » comme ils disent ici. Iphigénie et son ami Miguel sont de la fête. Il y a encore des discussions passionnantes et très riches. Miguel est originaire de Saguenay, tout près du lac Saint-Jean. Sa famille est originaire de là. Il y a vécu 18 ans. Il ne connaît pas Mashteuiatsh pourtant assez proche. Il nous parle des grandes familles du Saguenay, par exemple les Tremblay comme lui il y en a un demi million. Ils viennent tous de la même souche, du même ancêtre arrivé de France au 17e siècle.
Chez les Québécois aussi il y a une grande question identitaire marquée par une histoire remarquable. Ah ! que d’émotions, d’impressions, de questions… Je commence.

Mercredi 24 juin 2009. Retour vers Québec.

Retour vers Québec.
Dans l’autobus je rencontre le père de « Petite plume perlée », Miguni, qui est aussi le mari d’Anne Casavant du Conseil des Montagnais. Il est chaleureux, il est déjà venu en France lorsqu’il se rendait à l’ONU. Il a été Grand Chef de la nation Algonquienne durant 8 ans. Actuellement il travaille dans un service social d’une importante organisation autochtone. Il me dit qu’ils ont beaucoup d’archives photographiques. Lorsque je reviendrai, il aimerait me les faire découvrir. Je serai leur invitée. Nous échangeons nos contacts, il va m’envoyer un courriel. Je pense que cette rencontre est encore un signe de bon augure pour la suite. Je repense à toutes ces rencontres, ces paroles échangées en quatre jours, c’est déjà des chemins qui se dessinent, des pistes qui s’ouvrent.
Hier soir, j’ai discuté au téléphone avec Geneviève Fortin, directrice du centre d’art Langage Plus à Alma. Elle est très enthousiaste par rapport à mon projet et se félicite que je puisse avoir déjà noué de si bons contacts dans la réserve. Selon elle, ce n’est pas si évident. On se verra en septembre. Je lui ai parlé des envies qui sont nées de ce voyage notamment pour les ateliers que je projette de faire avec les écoles de Bègles et le lycée des Menuts à Bordeaux, à la prochaine rentrée scolaire. Je pense travailler autour de l’identité, des ancêtres, de la transmission, du territoire, des notions de nature et de culture, des symboles comme le feu, le cercle, le totem, les points cardinaux, les animaux… J’espère que je réussirais aussi à créer des liens entre les enfants de Mashteuiatsh et les enfants girondins.
Je crois qu’il peut y avoir aussi une piste de travail avec les différents conseils qui existent à Mashteuiatsh : le conseil des jeunes, le conseil des femmes, le conseil des anciens.
Nous arrivons à Québec, accueillis par nos amis Alain et Berthier. Nous filons à Québec pour un bon repas puis nous nous dirigeons sous les bretelles d’autoroute pour découvrir le nouveau spectacle du Cirque du Soleil « les chemins invisibles ». Une heure 30 de féeries et les clameurs chaleureuses de la foule. Ce spectacle sera joué une cinquantaine de fois gratuitement cet été. Comme nous sommes accueillis en VIP dans l’enceinte, nous avons droits aux saluts du Maire de Québec et du conseil municipal. Alain me présente comme une artiste Bordelaise d’Aquitaine qui va rendre visite aux autochtones. Je vois bien que cela produit une certaine perplexité amusée.

Mardi 23 juin 2009. Mashteuiatsh, Lac Saint-Jean.

J’avais très envie de découvrir la forêt, de parcourir de mes pieds le territoire.
Monsieur Robertson nous a proposé une excursion jusque dans son chalet au bord du lac des marais à quelques kilomètres à l’Est de Roberval.
A midi, il nous cuisinera des truites sauvages qu’il a pêchées « tantôt » avec son frère.
Tiens, je m’aperçois que j’utilise des tournures de phrases à la Québécoise !
Nous découvrons à perte de vue d’immenses forêts trouées de dizaine de lacs aux noms évocateurs : lac de l’ours, lac Bleu, lac du castor, lac profond, lac Iroquois…
<br />
mashteuiatsh8.jpgIl nous explique que cette zone appartenait il y a bien longtemps aux indiens et faisait partie de la réserve, elle a été récupérée par le Gouvernement Fédéral. Il y a en ce moment des pourparlers avec le gouvernement pour que le Conseil des Montagnais puisse la reprendre.
mashteuiatsh10.jpgmashteuiatsh9.jpg Ce matin avant notre excursion, j’ai été voir Marjolaine Etienne, Vice Chef du conseil de bande pour lui présenter mon projet. La communauté des Montagnais compte à peu près 4000 membres sur Mashteuiatsh et autour du lac. Elle me parle des difficultés financières du Conseil qui a en charge l’éducation, la santé, le développement économique et social, les équipements, les routes. Les fonds proviennent du Ministère des affaires indiennes. Les besoins sont énormes surtout qu’il y a une forte natalité, beaucoup de très jeunes filles (15-16 ans) ont des enfants ici et arrêtent leur étude.
Le Conseil c’est comme un gouvernement de 3ème ordre. Il œuvre, comme dans bien des communautés du pays, pour la signature d’un traité d’autonomie qui redonnerait tous les droits aux autochtones, une véritable reconnaissance de leur identité et de leur place dans la société Canadienne contemporaine. J’ai compris que les Montagnais mettent beaucoup d’espoir dans la visite officielle que son excellence la Gouverneure Générale du Canada leur a rendue dimanche et qu’elle pourra œuvrer à la réalisation de leur rêve. Je l’espère aussi.

Lundi 22 juin 2009: Mashteuiatsh, Lac Saint-Jean.

Visite du musée autochtone de Mashteuiatsh où l’exposition permanente est magnifique.
Elle s’intitule « l’esprit du Pekuakamiulnu». « C’est une démarche communautaire où près d’une centaine d’artistes, d’artisans, de jeunes et d’aînés ont contribué. »
Il y a de belles associations entre l’histoire, le patrimoine et des œuvres très contemporaines d’artistes de la réserve qui parlent à leur manière de la mémoire de la communauté.
C’est une invitation au voyage entre forêts, cours d’eau et montagnes, une invitation à parcourir le vaste territoire autour du lac Saint-Jean. Le territoire qui représente la vie et où les ancêtres ont appris à cohabiter en harmonie avec toute forme de vie.
La vie symbolisée par le cercle où le lien à la terre, au territoire (Nitassinan) est primordial.

mashteuiatsh6.jpg Partout nous trouvons une grande envie de faire partager les savoirs, les connaissances traditionnels, véritable patrimoine pour le monde. Le rêve d’une nation pour l’éveil de l’humanité.
Je suis heureuse d’être sur cette terre aujourd’hui, au cœur de ce territoire, avec ces gens de Mashteuiatsh si fiers de leur héritage, si riche de leur savoir pour réaliser le projet de « réserve humaine ». Ilnu veut dire « être humain » en montagnais.
" Niuapamau ilnu » veut dire « je vois un être humain ».
Je pense au mot quête, ce travail sera une quête.
Il faudra que je fasse un petit lexique Français Montagnais.
J’ai reconnu au Musée une des artiste brodeuse qui a participé à la belle exposition autour du frêne et du bouleau. Elle s’appelle Diane Blacksmith. Dimanche lors de la venue de la Gouverneure Générale elle portait un habit magnifique : le régalia. Il s’agit d’un costume traditionnel brodé qui représente la personne qui le porte. C’est un vêtement qui raconte l’être, parle de lui, de ses ancêtres, de ses racines. Un habit identitaire très intime qui ne se laisse pas déchiffrer si facilement je pense.
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Dimanche 21 juin 2009, Mashteuiatsh, Lac Saint-Jean

Juste avant l’aube nous nous sommes levés pour assister à la cérémonie du feu.

4h30, le soleil va se lever. Il fait frais au bord du lac Saint-Jean, cette immense étendue d’eau froide de plus de 1000 km2 et les flammes commencent à s’élever vers le ciel encore sombre. Il y a le shaman Moïse et ses assistants, des musiciens, un grand cercle de pierres avec 4 portes symbolisées par de frêles branches de bouleaux. Nous passons la porte de l’Est, d’où le soleil se lève pour nous asseoir dans le cercle. Commencent alors les rites, les offrandes, les chants, le rythme lancinant des tambours, le cercle de parole… Moïse parle en ilnu et aussi en français avec une vraie envie de communiquer. De belles paroles sortent de sa bouche et dansent dans l’air frais « les 4 races humaines sont une, c’est le genre humain », « aujourd’hui nous célébrons ensemble l’amour », « gardons nous de juger l’autre » « nos pas nous guident là où nous devons aller », « ce que nous demandons à la terre avec respect nous est donné », « remercions nos ancêtres de nous avoir permis de vivre et de connaître la terre si belle » …
mashteuiatsh2.jpg La grande plume d’aigle s’agite dans sa main, elle passe dans la main de celui qui veut parler. Je la saisis pour dire mon bonheur d’être là. J’ai une pensée pour les feux que j’allume chez moi avec mes amis et je me réjouis de voir que mes pas m’ont amené à vivre ce moment unique et si précieux avec Jean-François.

A 13 h 30 nous allons au Musée Amérindien de Mashteuiatsh pour l’inauguration, par son excellence la Gouverneure Générale du Canada, de l’exposition « le mariage du frêne et du bouleau ».

C’est une grande émotion à l’écouter parler des valeurs et de l’identité des peuples des premières nations, de son bonheur à être avec la communauté Ilnu en cette journée de fête nationale des autochtones. Nous recueillons là un message précieux d’amour et de fraternité pour l’humanité entière.

Plus tard dans l’après-midi sur le terrain des festivités, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec l’époux de la Gouverneure au sujet de mon projet. Je lui confiais que les gens de Mashteuiatsh m’avaient déjà accueilli. Je pensais aux membres du Conseil de bande, à Monsieur Robertson et aux quelques personnes fort sympathiques qui avaient déjà si facilement accepté de se faire photographier.
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mashteuiatsh3.jpg Ce soir je pense à Anne qui m’a demandé d’écrire mon journal de voyage et je l’en remercie.

Samedi 20 juin 2009. Mashteuiatsh, Lac Saint-Jean.

mashteuiatsh5.jpgNous sommes à Mashteuiash-Pointe bleue, la réserve Ilnu. Monsieur Robertson, propriétaire de l’auberge du même nom, est venu nous chercher au terminus de l’autobus à Roberval.

C’est un homme charmant. L’auberge toute en bois est décorée de tas de trophées de chasse, têtes d’ours, de loups, cornes et bois de cervidés et un énorme orignal accroché au mur de la belle salle à manger. Il y a aussi des objets d’artisanat indien. Cette auberge est comme un petit musée familial avec les photos des ancêtres depuis 1848, tous de grands chasseurs, les photos de famille, des vitrines.
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Au moment de brancher mon ordinateur je m’aperçois que le transfo électrique ne marche pas. Nous testons toutes les prises de la maison avec M. Robertson, aucune ne fonctionne. Comme il me voit bien embêtée, il s’informe au magasin d’électronique le plus proche s’ils en ont. Après quelques palabres, il semble que oui. Ouf ! M. Robertson propose de nous y amener.

Depuis notre arrivée nous nous émerveillons à chaque instant de la gentillesse et de la disponibilité des gens que nous rencontrons. C’est l’hospitalité québécoise ! Nous, les français nous devrions venir nous en imprégner un peu … Lorsque vous entrez dans un magasin, un bar, un restaurant, il y a toujours le « bonjour, comment allez vous aujourd’hui ? » prononcé sur un ton avenant et vraiment chaleureux.

En revenant du magasin, nous nous arrêtons dans un petit restaurant au bord du lac. Nous invitons M. Robertson qui nous parle un peu des conditions de vie des indiens dans la réserve. Il dit que le gouvernement fédéral les a infantilisés depuis des décennies. Vivre dans une réserve c’est particulier. Les droits ne sont pas du tout les mêmes que dans le reste du pays. Pas d’alcool au restaurant où pourtant Jean-François aurait bien voulu boire une bière ! Les indiens dépendent pour tout du Ministère des affaires indiennes . Monsieur Robertson évoque rapidement l’obligation qu’ont eue les parents durant bien longtemps de se séparer de leurs enfants envoyés de force dans les écoles chrétiennes « les pensionnats indiens ». Le Gouvernement canadien vient juste de présenter des excuses officielles pour ces pratiques honteuses qui servaient à « civiliser et évangéliser les natifs » mais le pape ne l’a pas fait. Il nous redit : « nous sommes traités comme des enfants ».

Demain, le 21 juin c’est la fête nationale des autochtones au Canada. Cela correspond au solstice d’été. A 5 heures du matin, il y aura une cérémonie au bord du lac pour fêter le levé du soleil. Monsieur Robertson propose de nous y amener. Il y aura le feu, les chants, le chaman… Je suis aux anges ! A 19 h, Dave Casavant, sa sœur Anne et Sonia Robertson du conseil de Bande viennent me visiter à l’auberge. C’est le premier contact pour parler de mon projet. Ils évoquent l’intérêt qu’il y aurait à associer un ou une artiste de la réserve à mon travail. Sonia est artiste et s’occupe du programme culturel du musée de Mashteuiatsh, elle utilise la photo dans son travail et semble réaliser aussi de superbes performances. Mes visiteurs aimeraient bien connaître les objectifs de mon projet. Je leur parle de rencontres, de relation aux autres. Pour moi il est clair que je veux me laisser aussi porter par des imprévus, des hasards et ne pas figer les choses. Bien sûr j’évoque la condition des autochtones, les idées peut être trop reçues qu’une européenne peut avoir sur les premières nations. Pour eux aujourd’hui il est essentiel de se tourner vers des actions positives, constructives et laisser les plaintes, les remords. Sonia toutefois dit qu’il faut d’abord que le pardon puisse se faire et que pour ça il faut que la communauté ait la compréhension et la reconnaissance de son passé. Nous sommes déjà dans le vif du sujet. Nous convenons de nous revoir le lendemain durant la fête.

Sonia nous invite à venir au Musée lundi pour une visite.

Vendredi 19 juin 2009. Québec.

Je suis à la peine avec le décalage horaire alors que Jean-François, lui, semble en pleine forme.
Hier soir nous sommes allés souper à l’Astral, un restaurant panoramique tournant, luxueux. Il y avait une vue imprenable sur la ville de Québec. Alain nous parlait avec passion de tout ce qui s’offrait à nos yeux. Le vin blanc canadien était délicieux.
Après deux jours entiers passés à déambuler dans les rues de Montréal et de Québec, je réalise que nous n’avons pas croisé un seul indien !
Vu hier au musée de la Civilisation, l’exposition permanente consacrée au peuple autochtone.
Histoire et vieux objets traditionnels mais aussi témoignages d’aujourd’hui. Un message passe : après 4 siècles de domination et d’assimilation le temps de la reconquête identitaire est venu dans la reconnaissance mutuelle entre autochtones et non autochtones.
En innu (montagnais) bonjour se dit KUEI.
J’apprends aussi que la création des réserves au 18e siècle avait pour but essentiel l’assimilation des indiens (entendre la privation de leur autonomie). Ghislain Richard, homme politique Montagnais dit dans une vidéo que les Innus doivent se tenir la main.

Jeudi 18 juin 2009. Québec.

Nous sommes à Québec depuis hier soir où nous avons été accueillis très chaleureusement par le compagnon de Berthier, Alain. Nous avons passé une soirée de rêve, Alain est beau et si simple…. Secrétaire général de la Ville de Québec, ancien ministre du Québec.
quebec1.jpg quebec2.jpg Il dit qu’ici le rapport aux hommes politiques n’est pas le même que dans la vieille Europe et encore moins qu’en France qui est restée très monarchiste Il a raconté qu’en 1967 il a écouté le Général De Gaulle proclamer « Vive le Québec Libre ! » il était à quelques mètres de lui.
Quelle émotion de l’entendre raconter cette histoire. Depuis notre arrivée, on sent combien l’identité Québécoise est forte. Il y a une vraie scission avec le reste du Canada, avec le Gouvernement Fédéral.
Ce matin j’ai téléphoné à Masteuiash (Pointe Bleue) et j’ai eu la joie d’entendre Dave Casavant du conseil des Montagnais. Ils m’attendent et pensent me rencontrer samedi soir pour commencer à parler du projet. Ouf ! je sens qu’une porte s’ouvre.

Mercredi 17 juin 2009. Montréal.

Montréal chez Berthier, le matin j’apprends par Anne Chevrollier du Consulat Général de France à Québec que le Chef Huron ne me recevra pas, peut-être sous de faux prétextes ? Déception,questions…
Mon projet est peut-être totalement déconnecté de la réalité Canadienne.
Puis-je avoir la même démarche auprès d’une réserve Indienne au Québec que celle que j’ai mise en œuvre à Bordeaux avec les habitants d’une cité ? J’ai toujours besoin de border, organiser, présenter mon projet avant de me lancer
Je pense aux photographes reporters qui font des images à la volée, partout sans aucune autorisation ni aucune introduction.
Comment je me positionne ? et si je n’obtenais pas l’accord d’une communauté est-ce que je remettrais mon projet en question ?
Je suis en terre américaine à plus de 6000 Km de la France.
D’habitude je travaille près de chez moi, si près…souvent à quelques mètres
Les hommes au fond ne sont-ils pas partout pareils ?
J’espère que la communication, la relation peut émerger de la même manière ici aussi, si j’y mets le même cœur

Mardi 16 juin 2009. Montréal.

Arrivée à Montréal par un vol direct de Bordeaux, 7 heures de vol

Bordeaux – Montréal en quelques heures

Accueil chaleureux de Berthier,  ami d’un ami, qui nous reçoit comme des rois dans un appartement magnifique.

Le soir, autour d’un « souper » délicieux, nous rencontrons Iphigénie, réalisatrice documentariste.

Elle nous parle de son expérience dans les communautés où elle a travaillé comme formatrice dans la Wapikoni mobile, studio de création vidéo pour les jeunes des réserves.

Elle évoque la discrimination qu’il y a  à leur encontre, le racisme des deux bords

Ici au Québec comme au Canada d’ailleurs il n’y a pas de métissage ou si peu.

Ni Berthier, ni Iphigénie n’ont d’ami autochtone.

Iphigénie parle des fléaux qui touchent les réserves : chômage,  alcoolisme, mauvaise alimentation,  obésité et maladies qui en découlent.

Moi je pense aux valeurs ancestrales de la culture indienne : respect de la terre et de tout ce qui est vivant, équilibre, tradition…

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